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Mis à jour en mai 2016

Présentation du CDI

 

Valérie Igounet

le 12 mai 2016

"Le négationnisme"

 

Présentation de Valérie Igounet :

Valérie Igounet, historienne, chercheuse à l'Institut Historique du Temps Présent (rattaché au CNRS). Spécialiste de l'extrême droite et du négationnisme, elle est l'auteur de 3 livres :

  • Histoire du négationnisme en France, Paris, Le Seuil, collection « La Librairie du XXe siècle », Paris, 2000
  • Robert Faurisson : portrait d'un négationniste, Paris, Denoël, 2012,
  • Le Front national de 1972 à nos jours : le parti, les hommes, les idées, Le Seuil, 2014

Et co-réalisatrice en 2014 avec Michael Prazan d'un documentaire remarquable sur "les faussaires de l'histoire"

Quand on interroge les témoins de la Shoah sur les raisons de leur prise de parole, bien souvent ils répondent que ce sont les propos négationnistes qui leur ont fait prendre conscience de la nécessité de témoigner. Ainsi Magda Lafon (dans l'émission du 24 janvier 2016 des "Racines du ciel"sur France Culture) raconte combien fut déterminante la lecture de la phrase de Darquier de Pellepoix dans l'Express de 1978 "A Auschwitz on n'a gazé que des poux".

A l’heure où fleurissent les rumeurs sur Internet, à l’heure où les thèses complotistes continuent de fasciner (et en particulier les jeunes) s’interroger sur le négationnisme nous a semblé important.
Comment nier une vérité historique avérée comme celle des chambres à gaz et par extension la réalité du génocide juif ?
Comment dire de la shoah qu’elle est une escroquerie politico-financière ?
Comment remettre en cause les témoignages de rescapés  comme celui que vous avez entendu en février dernier d'Henri Borlant ?
Voilà les questions que pose le négationnisme
L’écrivain Todorov cite dans son livre « les abus de la mémoire » la fameuse phrase d’Himmler parlant de la « solution finale » :
« c’est une page glorieuse de notre histoire qui n’a jamais été écrite et qui ne le sera jamais »
Cette phrase montre bien  que si le négationnisme est un mot inventé après guerre (en 1987 par l'historien Heni Rousso), si ce phénomène est né en 1948 avec la publication du livre "Nuremberg ou la Terre promise" de Maurice Bardèche, il était déjà au cœur du projet nazi, dans sa volonté obsessionnelle d’effacer toute trace , de nier le crime.
Le 3e reich a bien sûr disparu mais cette idéologie extrémiste demeure et continue de séduire
Elle s’étend à d’autres génocides (celui des arméniens et celui des tutsis)
Idéologie dangereuse car elle sème le doute, la confusion et la haine.
elle est également redoutable car en tant que pensée paranoïaque, possédant sa rhétorique propre, elle rend impossible tout dialogue  (comme le rappelle avec force l'historien Vidal-Naquet)
Face à ces « assassins de la mémoire » écouter Valérie Igounet est donc essentiel" (A.Lion)

 

Rapport BACHA Sarah                                                                                                                         18/05/16
1ES/L4

 

Le Négationnisme en France
(conférence de Valérie Igounet)

               Le négationnisme né en France au début de la Guerre Froide. Porté par Maurice Bardèche et Paul Rassinier, le mouvement connaît une expansion durant les années 70-80 grâce à Robert Faurisson. Les négationnistes s'entendent à dire que les chambres à gaz n'ont pas servis à exterminer les juifs et que le génocide juifs n'est qu'une invention pour justifier la création de l’État d'Israël en 1948. Un convergence de point de vue et de partis radicalement opposés (extrême droite/ ultra-gauche) s'associent autour de cette idée.

Qu'est ce que le négationnisme et comment se développe-t-il en France ?

                En 1950, les principaux chefs néonazis se rencontrent. L'extrême droite s'empare alors du concept de « nation Europe »que les partisans voient menacée par le communisme. Pour espérer gagner de l'audience, le parti entreprend de réécrire l'Histoire de la seconde guerre mondiale en minimisant les crimes nazis et en dénonçant les Alliés. L'année suivante voit la naissance de la revue Défense de l'Occident fondée par Maurice Bardèche. Dans cette revue, diverses auteur exposent ce qu'ils considèrent comme le « mystère » puis le « mythe » des chambres à gaz.
Paul Rassinier, homme politique socialiste déporté en 1943 dans le camp de concentration de Buchenwald, est considéré comme le père fondateur du négationnisme. Il écrit plusieurs livres dans lesquelles il théorise « le complot juif » et dénonce ce qu'il considère comme une machination orchestrée par les Juifs contre les Allemands. En 1962, Maruice Bardèche devient son éditeur et publie le livre Le Véritable Procès Eichmann ou les Vainqueurs incorrigibles dans lequel Rassinier définit le génocide juifs comme « la plus tragique et la plus macabre imposture de tous les temps ». Dans son dernier livre, Les Responsables de la Seconde Guerre mondiale parut en 1967, il dénonce les complots des « bellicistes » (Roosevelt et les socialistes français) contre Hitler qui, pour lui, essayait de sauver la paix. Avec ses ouvrages, Rassinier pose les bases du négationnisme en France.

                  Dans les années 70, le mouvement connaît un renouveau en la figure de Robert Faurisson. Maître de conférence en littérature, il se fait remarquer en attaquant les écrits de Rimbaud ou de Nerval  dans ce qu'il considère comme une entreprise de « démythification » des œuvres littéraires. Il se présente comme le disciple de Rassinier. En 1978, il inonde les journaux d'un texte polycopié révisionniste qui radicalise ce que Rassinier n'avait jusque là qu'esquisser. Faurisson inscrit la question des chambres à gaz au cœur de son propos : il affirme avoir des preuve scientifique pour prouver leur inexistence et se rend à Auschwitz pour dépouiller les archives et apporter une preuve supplémentaire à son propos.
                        La parution de L'Express le 28 octobre 1978 avec en une choc « À Auschwitz on n'a gazé que les poux » fait du négationnisme une affaire publique. Cet article est une interview de Louis Darquier, ancien directeur au commissariat général aux Questions juives sous le régime de Vichy. Au lendemain de cet entretien qui fait scandale, Faurisson envoi une lettre à plusieurs journaux dans laquelle il dit espérer que les propos rapportés par l'Express « amèneront le grand public à découvrir que les prétendus massacres en „chambres à gaz“ et le prétendu génocide“ sont un seul et même mensonge ». On parle alors d'une affaire Faurisson.

                              Depuis cette affaire, les efforts négationnistes pour se faire entendre et connaître s’observent lors d'opérations médiatiques préparées selon une double stratégie : légitimation et scandale. En 1996, Aaargh, (Association des anciens amateurs de récits de guerre et d'holocauste) apparaît. Il s'agit d'un site pour servir la propagande négationniste. Durant les années 80-90 plusieurs personnalités se revendique négationniste telles que Serge Thion, chercheur au C.N.R.S ou encore Bernard Notin, maître de conférences en sciences économiques à Lyon-II. Ils tiennent des propos négationnistes dans leurs ouvrages. Le Front National avec Jean-Marie Le Pen se fait remarquer sur le terrain médiatique avec la diffusion de plusieurs thèmes négationnistes. Interrogé en 1987 sur ce qu'il pense des théories « révisionnistes », Jean-Marie Le Pen affirme que les chambres à gaz sont « un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale ». En 1996, un autre scandale éclate, celui du soutient du livre de Roger Garaudy intitulé Les Mythes fondateurs de la politique israélienne  par l’abée Pierre. Ce dernier apporte « au nom de l’amitié » son soutien au collage antisémite qu'est cet ouvrage. Enfin, Dieudonné M'Bala M'Bala, en faisant monter Robert Faurisson sur la scène du Zénith de Paris afin qu'il reçoive un prix de la part d'un comédien déguisé en déporte juifs le 26 décembre 2008 choque l'opinion publique et relance le débat négationniste.

                                   Grâce à l'explosion d'Internet et des moyens de communication le mouvement négationniste se répand dans le monde. Aujourd'hui condamné en France, en Suisse en Belgique et en Allemagne, le mouvement reste impuni en Grande-Bretagne. En reniant le fait le plus marquant de l'histoire du XXème siècle, le négationnisme pose la question de la relation ambiguë que peuvent avoir l'histoire et la mémoire.

 

                                               L'Histoire se définit comme l’enchaînement des événements dans le temps. Personne ne peut en avoir la connaissance complète au sens où il est impossible de savoir tout ce qui s'est passé ou se passe dans le monde. L'Histoire en tant que discipline s'appuie sur des connaissance des événements plus ou moins subjectives car il y a toujours une part d’interprétation de la part de l'historien mais les connaissances de l'Histoire reposent sur des sources très larges (documents, témoignage, sites archéologiques...) sur lesquelles sont adaptées des démarches historiques qui nécessite l'application d'un protocole afin d'analyser la source avec méthode. La mémoire, quant à elle, résulte d'un souvenir des événements, basé en petite partie sur l'Histoire et en majorité sur des événements contemporains. Par exemple, les films, en reprenant des événements historiques, nous donnent une image qui nous parait concrète de faits passés. Ainsi, l'image que nous gardons du film est l'image que nous associeront à l'événement relaté dans ce film. La mémoire émotionnelle est ainsi mise à contribution car le long métrage nous transmet des émotions qui aident à graver les images dans notre tête.
Le sujet du négationnisme interroge donc la relation entre Histoire et mémoire : doit-on choisir de croire entièrement l'Histoire telle qu'elle est relatée ou doit-on remettre en cause la mémoire des témoins ? Le négationnisme, en voulant réécrire le génocide juif, nous montre la fragile barrière entre souvenirs et interprétation. Cependant, l'Histoire ne pourrait fonctionner sans mémoire car si personne ne peut ou ne veux se souvenir, l'Histoire peut disparaître. Ainsi, en niant l’existence du génocide juif, les négationnistes refusent de se souvenir et font disparaître une partie essentielle de l'Histoire du XXème siècle.
                              L'Histoire et la mémoire ont donc des liens étroits qui peuvent facilement être remis en cause. Ils s'articulent ensemble et ne peuvent fonctionner l'un sans l'autre.

                                   

 

 

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