Frédéric Gros
Le 19 février 2019
Introduction
Frédéric Gros est philosophe, enseignant à Science po Paris de pensée politique .
Spécialiste de Foucault (dont il a dirigé l’édition de ses œuvres en Pléiade ) il lui a consacré 3 livres ( tous parus au PUF : "Michel Foucault" en 1996, "Foucault et la folie" en 1997, "Foucault, le courage de la vérité" en 2002 )
Dans son prolongement, Frédéric Gros a abordé dans ses écrits des sujets aussi essentiels que la justice (et plus spécifiquement les différents foyers de la peine), le principe de sécurité, la violence dans la guerre, la création et la folie (la folie est évoquée également en 2016 dans un roman historique « Les possédées » ).
Grand marcheur, il a écrit un très beau livre en 2008 sur sa pratique, « Marcher, une philosophie », dans lequel figurent déjà les thèmes de la liberté, de la dignité, de la solitude, du courage , de la résistance, de la conversion..
Aujourd'hui il vient nous parler de son dernier livre, paru en 2017, « Désobéir » , livre sélectionné par le prix lycéen du livre de philosophie.
Parler de désobéissance dans un établissement scolaire, et catholique de surcroit, peut paraitre provoquant : l'enseignement impliquant, dans un premier temps tout au moins, contrainte, discipline, docilité Et l' obéissance étant une vertu fondamentale pour le catholicisme , "la voie privilégiée du salut".
Mais cette contradiction n'est qu'apparente car chez Frédéric Gros, la désobéissance revêt un sens essentiellement positif. Elle s’inscrit dans un processus d’humanisation, dans une démarche éthique, plus précisément « une éthique du politique » .
Loin d’être une menace pour la démocratie, elle la vivifie.
Le thème de la désobéissance fait écho doublement à notre actualité. Nationale, par le soulèvement des gilets jaunes et au delà , depuis les années 2000, par la multiplicité des actes de désobéissance civile. Ce thème fait également écho à l'actualité de notre établissement avec la participation du lycée en novembre dernier au train de la Mémoire. Projet résumé par la responsable Martine Querette en ces mots : "La conviction qui s’ancre en moi à chaque fois, c’est la beauté du travail d’éducation qui est le mien, et la nécessité de former des « rebelles », capables d’analyser et de résister, de s’informer, d’agir."
C’est donc bien l’obéissance, monstrueuse dans le cas de la Shoah , qui questionne.
Malgré l’individualisme de notre époque, ce qui fait problème de manière plus générale, c’est non la désobéissance mais notre capacité à accepter, à se soumettre, à obéir.
A travers "une stylistique de l’obéissance", Frédéric Gros révèle les mécanismes de notre passivité à travers différentes
formes :
La soumission
La subordination
Le conformisme
Le consentement
L’obligation éthique
Une première question possible : celle de la confrontation de la désobéissance à l’exercice du pouvoir.
Comment comprendre l’articulation possible entre un sujet irremplaçable , non substituable , indélégable et le Politique, domaine par essence du délégable. (A. Lion)
Votre jeunesse est une chance. Vous êtes des promesses d'avenir, profitez-en pour vous inventer vous-mêmes ! Ne considérez jamais que vous êtes pour vous-mêmes une fatalité. La liberté n'est jamais donnée, c'est une conquête de tous les jours contre la facilité des habitudes et les douceurs de la docilité. Désapprenez le plaisir d'obéir. Mais il existe en-dehors de vous-même un autre danger : le conformisme, l'immersion dans l'anonymat cotonneux, l'étrange jouissance qu'il peut y avoir à se sentir quelqu'un à partir du moment où on est comme les autres. Je vous engage à une révolte plus profonde encore que la dénonciation politique (qui a son importance pourtant) : celle de la transformation spirituelle, à la conversion intérieure. La philosophie n'est peut-être rien d'autre que cette invitation, cette confiance et ce risque : penser à la première personne"
Emission de France Culture "Etre et savoir" du 29 décembre 2019
Dialogue avec Cécile Ladjali dans "En chair et en texte" le 8 janvier 2020
(Version audio plus audible)
Conseil : La qualité de l'enregistrement étant très mauvaise , il faut monter au maximum le son
Note : Le son pour la vidéo doit être monté au maximum