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Mise à jour en septembre 2008

Présentation du CDI

 

 

Présentation de Bernard Vincent

Bernard Vincent est  professeur honoraire d’université, spécialiste d’histoire et de civilisation américaine.
 Il est également président de « l’Association  Française d’Etudes Américaines » qui regroupe 700 universitaires et chercheurs en histoire des Etats-Unis.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages :  bien sûr sur l’histoire des USA (dont l’un vient d’être réédité en août dernier dans la collection Champs Flammarion) mais aussi plus spécifiquement sur « Thomas Paine » aujourd’hui considéré comme l'un des pères fondateurs des Etats-Unis, sur « Amistad » navire espagnol transportant des esclaves africains qui se sont révoltés et dont l’aventure a inspiré le cinéaste Spielberg.
 Il a rédigé également une biographie sur Louis XVI et travaille actuellement sur celle de Lincoln qui doit paraître en février prochain, (accompagnée d’un  ouvrage complémentaire de lettres et de discours) .

Note : Bernard Vincent était déjà venu en 2000 pour nous parler des" origines de l'idéologie américaines" .


Dans la conférence sur les éléctions américaines, il a abordé 3 points :

1er. La question de l’abstention  des américains lors des consultations électorales

2e. La mode de scrutin très singulier des élections présidentielles

3e. Le débat sur la campagne actuelle

Texte de la conférence de Bernard Vincent

LA VÉRITÉ SUR L’ABSTENTION AUX USA

Beaucoup de Français croient que les Américains votent moins, et avec moins d’enthousiasme, que nous de ce côté-ci de l’Atlantique, et qu’il y a par conséquent une faille, une faiblesse, un manque de substance dans le système démocratique américain.
Ce que j’aimerais vous montrer, ou en tout cas essayer d’expliquer, c’est que si en effet un plus faible pourcentage d’Américains participent aux scrutins organisés dans leur pays que ce n’est le cas dans d’autres démocraties, collectivement ils votent beaucoup plus souvent et sur plus de sujets que n’importe quel autre peuple.
            Contrairement à ce que s’imaginent beaucoup d’Européens, les États-Unis ne sont pas un État sous-démocratisé, mais au contraire un État plutôt sur-démocratisé, en ce sens que le nombre et la diversité des consultations électorales est telle que les gens peuvent avoir un sentiment de saturation et ne pas se sentir concernés par tous les scrutins qu’on leur propose. Il leur faut faire des choix, et c’est ce qu’ils font.
Pourquoi certains ne votent pas     

Ce qui caractérise la vie politique aux États-Unis, c’est le nombre important des consultations électorales – l’élection présidentielle bien sûr, mais aussi l’élection des sénateurs et des membres de la Chambre des représentants, sans compter les élections primaires et autres caucus, sans compter l’élection des maires et des gouverneurs et sans compter d’autres votes relatifs à des questions locales ou à des problèmes relevant de chaque État (et il y en a 50 en tout, plus le District de Columbia, siège de la capitale fédérale, qui n’est pas à proprement parler un État). Mais, paradoxalement, alors qu’ils votent beaucoup, les Américains sont souvent décrits (et parfois critiqués) comme un peuple à faible participation électorale par rapport aux électorats de la plupart des démocraties européennes.
Si on compare le taux de participation des Américains à l’élection présidentielle au taux moyen enregistré lors des élections législatives d’autres pays démocratiques, que trouve-t-on ? On trouve que l’Australie arrive en premier (avec un taux de 93,8 %), la Belgique en second (avec 93,4 %), le troisième étant l’Autriche (90,5 %) et le quatrième l’Italie (90,4 %), mais il faut avoir présent à l’esprit que dans trois de ces pays le vote est obligatoireDans cette liste (établie à partir de scrutins nationaux ayant eu lieu depuis  1996), les États-Unis arrivent en 23ème position (avec un taux de 52,8 %), juste après la France (66, 2 %) et juste avant la Suisse (46,1 %). Mais, j’insiste là-dessus, dans cette comparaison, le taux américain est calculé par rapport à la population en âge de voter, alors qu’ailleurs le pourcentage est généralement calculé sur la base des électeurs inscrits. Cette différence de calcul a automatiquement pour effet de réduire le taux américain et de gonfler celui des autres pays. Sur la base des critères européens, le taux de participation américain aurait été de 66 % en 1996 (au lieu de 49 %), de 68 % en 2000 (au lieu de 51) et de 73 % en 2004 (au lieu de 56), chiffre assez remarquable.
Mais comment se fait-il que les Américains semblent moins voter que les Européens ou du moins se rendre aux urnes en moins grand nombre ?
1) En premier lieu, les scrutins qu’on compare ne sont pas vraiment comparables. Dans de nombreux pays, par exemple au Royaume-Uni, les scrutins parlementaires n’exigent de l’électeur qu’une seule chose : qu’il ou qu’elle mette une croix sur le bulletin de vote afin d’indiquer son choix ou bien que l’électeur choisisse tout simplement un bulletin et le dépose dans l’urne, comme en France. Les bulletins utilisés dans les élections présidentielles américaines sont matériellement plus grands et plus complexes, car il faut en même temps voter pour le président, le vice-président, les grands électeurs, les membres de la Chambre des représentants (tous les deux ans), les sénateurs (tous les trois ans), divers postes au niveau de l’État, des responsables locaux (les juges, les shérifs, les membres des « boards of education » en charge de la gestion des écoles), des propositions diverses (comme la construction ou non d’un nouveau pont), etc. Ces bulletins de vote, longs parfois d’une page, exigent donc de ceux qui sont appelés à voter un niveau de connaissances et d’information plutôt élevé. Se renseigner et s’informer demande du temps et de l’énergie, et tous les citoyens américains ne sont pas disposés à investir tout ce temps et toute cette énergie.
2) Une explication souvent entendue concernant le taux de participation relativement faible constaté aux États-Unis consiste à dire que les Américains sont particulièrement fâchés avec la politique et que s’abstenir est pour eux une façon d’exprimer leur brouille avec la politique ou leur indifférence. Cette explication ne tient guère ou est pour le moins incomplète.
La recherche indique que les Américains ont en réalité une attitude plus positive envers le gouvernement que celle qu’on trouve dans d’autres pays démocratiques. Selon une étude publiée en 1990, 34 % des Américains « font tout le temps ou la plupart du temps confiance au gouvernement », les chiffres étant de 33 % en France, de 20 % en Belgique ou de 14 % en Italie (et pourtant dans ces deux derniers pays, les gens votent massivement).
Le taux relativement bas de participation des Américains s’explique plus facilement si l’on prend en compte le fait que l’affrontement gauche-droite est beaucoup moins net aux États-Unis qu’en Europe et que, pour beaucoup d’électeurs d’outre-Atlantique, voter démocrate ou républicain à la présidentielle n’aura pas d’incidence profonde au regard des problèmes fondamentaux de la société.
3) Un autre élément joue un rôle très important dans le phénomène de l’abstention, à savoir le problème de l’inscription sur les listes électorales (« registration ») : les gens dûment inscrits ont tendance à voter à peu près dans les mêmes proportions que les électeurs européens. Mais les citoyens non inscrits ne peuvent voter. Il est donc important de savoir que s’inscrire est plus difficile dans la plupart des régions des États-Unis que dans les démocraties qui servent de comparaisons. Aux États-Unis, l’inscription permanente en tant qu’électeur n’est pas, comme dans beaucoup de pays, un attribut automatique de la citoyenneté. Celui ou celle qui veut devenir électeur est censé entreprendre des démarches afin de faire mettre son nom sur les registres électoraux de la localité où ils désirent voter. Normalement, on vote où on habite, mais, du fait que les Américains déménagent beaucoup (environ un tiers changent d’adresse tous les deux ans), il faut beaucoup se « réinscrire ». Et il arrive que le bureau d’enregistrement n’est pas situé dans la localité où l’on vit ; dans ce cas, il faut avoir une voiture pour se rendre au bon endroit, demander une autorisation d’absence à son employeur – et que faire si on n’a pas de voiture ? Prendre un autocar ou un train… Et que faire si vous êtes un immigré de fraîche date qui ne sait pas comment procéder ? L’inscription est vraiment un problème – et pour les plus pauvres un véritable obstacle à la participation électorale. Depuis peu, il est possible de s’inscrire sur Internet et les Démocrates se sont récemment lancés dans une grande campagne à ce sujet (Lettre de John Kerry, candidat contre George W. Bush en 2004).
Par ailleurs, les règles d’inscription varient d’un État à l’autre, ce qui complique les choses, et ces différences résultent de la Constitution fédérale elle-même qui dit que les conditions d’égibilité dans les scrutins nationaux relèvent de la législation de chaque État.
Une remarque au sujet de la taille du pays : pour la plupart des Américains, Washington et la Maison-Blanche sont géographiquement et politiquement très éloignées des préoccupations locales qui sont les leurs – un peu comme Bruxelles pour beaucoup d’Européens. Rappelez-vous ce qu’a été le taux de participation dans la plupart des pays concernés lors des élections européennes de juin 1999 (seulement 43 % des électeurs européens sont allés aux urnes, et presque 54 % des Français se sont abstenus – en 2004, l’abstention française a encore augmenté, passant à 57,24 % !).
4) Aux États-Unis, les élections n’ont pas lieu un jour férié, comme dans certains pays, ou le dimanche comme en France, mais un mardi de novembre. Pourquoi novembre ? Parce qu’à l’origine la majorité de la population était rurale et qu’il fallait attendre la fin des moissons pour consacrer toute une journée au vote. Et pourquoi pas un dimanche ? Parce que dans un pays dont la devise est « In God we trust », le dimanche est réservé aux activités religieuses. Alors, pourquoi pas  un lundi ? Parce qu’à l’origine il n’y avait qu’un bureau de vote par comté et que pour voter un lundi, il fallait quitter sa localité le dimanche, jour du Seigneur, chose impensable. D’où finalement le mardi ! Donc pour les Américains, voter n’est pas une activité de week-end. Si c’était le cas, les taux de participation seraient sans doute différents et notablement plus élevés. Et si les Français ne votaient pas le dimanche, s’ils votaient le mardi, comment évolueraient leurs taux de participation ? Par exemple, combien d’entre eux auraient pris part au référendum de septembre 2000 sur la réduction à 5 ans du mandat présidentiel, scrutin qui, bien qu’organisé un dimanche, a été un flop pur et simple avec une participation inférieure à un tiers de l’électorat ?
*
Tout bien considéré, rien ne prouve que la nature humaine des Américains soit différente de celle des citoyens habitant d’autres pays démocratiques. Mais les États-Unis ont historiquement organisé leur activités politiques de façon différente – État par État plutôt que dans un cadre vraiment national. Le droit de vote s’y exerce de manière plus décentralisée que dans la plupart des autres démocraties et son exercice demande plus d’efforts de la part du citoyen ordinaire. C’est sans doute cela qui est la meilleure explication du taux de participation relativement modéré qu’on y constate lors de la plupart des élections.
            Quand on parle de l’abstention aux États-Unis, il faut par conséquent éviter les simplifications outrancières et ne pas oublier, en tant que Français ou Européens, nos propres déficiences démocratiques.

Ouvrage de référence: Nelson W. Polsby et Aaron Wildavsky, Presidential Elections : Strategies and Structures of American Politics, dixième édition, New York, Chatham House, 2000.

Notes


"Caucus" : Contrairement au vote secret qui caractérise les primaires, un caucus est une réunion partisane où les militants manifestent publiquement leur soutien à tel ou tel candidat. Il y a des caucuses dans 15 États et dans le District de Columbia, mais celui de l’Iowa, qui a lieu depuis un siècle, est sans doute le plus connu car il a été le tout premier (dans l’Iowa, il y ainsi 1 784 réunions de ce type dans les 99 comtés qui composent l’État).

"Obligatoire" : En Autriche il n’est obligatoire que dans deux régions. En Italie il est obligatoire « sur le papier » mais n’est assorti d’aucune sanction. Au total, sur les 50 pays ayant le plus fort taux de participation, 45 sont des pays où le vote n’est pas obligatoire.

" grands électeurs" :Les grands électeurs, à qui il revient constitutionnellement de désigner le président une fois que le scrutin populaire a eu lieu, sont depuis 1836 (suite aux cafouillages de l’élection de Martin Van Buren) élus au suffrage universel. Seule la Caroline du Sud continua jusqu’en 1860 de faire choisir ses grands électeurs par l’Assemblée de l’État.

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